Eclats du corps
« Partout où un mouvement s’établit entre choses et personnes, une variation ou un changement s’établit dans le temps, c’est-à-dire dans un tout ouvert qui les comprend et où elles plongent » Gilles Deleuze

Image : Notre ami Allister Madin par Yên Losset
Éclats du corps est le premier projet de long métrage programmé par Experimental Poetic.
Le projet repose sur une approche interdisciplinaire intégrant l’écriture, la musique, la danse et le cinéma.
Ce film d’environ 70 minutes est composé de quatre doubles séquences, il s’articule autour de quatre poètes et trouve son origine dans le travail de Giuseppe Penone et de ses sculptures d’arbres en bronze.
Penone rappelle que l’arbre n’échappe pas aux lois de la gravité et qu’il doit produire une force ascensionnelle pour monter vers la lumière et y déployer ses branches. Dans un mouvement contraire, la technique du bronze passe par la chute, induite par la force de gravité du liquide en fusion dans le moule qu’il faut ensuite enterrer pour que le poids ne risque pas de le casser. C’est le contraire de la croissance, une descente vers les profondeurs de la terre.
En travaillant cette technique ancestrale du bronze, Penone met en œuvre cette tension des forces contraires qui pose ce double élan paradoxal de mouvements vitaux complémentaires : mouvement qui plonge vers le bas, vers les entrailles du monde et mouvement qui pousse vers le haut, vers la vie, vers la lumière.
Éclats du corps vient interroger cette tension des forces contraires dans sa résonnance avec le parcours du danseur classique institutionnel formé à l’Opéra de Paris.
A l’image de l’arbre qui lutte contre la gravité pour s’élever, comme pour le bronze en fusion qui nécessite une sorte d’enfermement sous la terre pour stabiliser sa forme sans éclater, le corps du danseur classique se bâtit au fil de son apprentissage dans une double résistance : celle d’un corps en quête de verticalité et d’élévation et celle d’un corps formaté par un mouvement technique qui le plonge et le coince dans les profondeurs de la performance.
Ce va-et-vient permanent entre ces forces contraires entraîne le danseur tantôt dans un corps opératoire et surmoïque façonné par la technique et la discipline tantôt dans un corps personnel, ouvert à l’expression individuelle et singulière, au mouvement spontané.
Eclats du corps aborde la question de la transmission institutionnelle, de la mémoire du geste et de sa possible métamorphose.
Le film propose une exploration sensorielle autour de cette fabrique du corps oscillant entre la dimension de l’imaginaire et du réel faisant dialoguer sculpture, poésie, musique et danse.
Eclats du corps rassemble Giuseppe Penone et quatre poètes, Francis Ponge, Antonin Artaud, Bernard Noël et André du Bouchet et nous entraîne dans un voyage autour du langage qui vient soutenir les métamorphoses du corps.
Des performances issues du film pourront être proposées dans différents espaces publics : musées, théâtres, hors les murs.

Virginia Gris – Bertrand Coty